la légende de Saint-Patrice
L'homme se tenait immobile dans le vent.
Le mistral qui soufflait depuis deux jours
avait chassé les nuages lourds qui
venaient de là-haut vers Montfuron. La longue
limousine de brebis étirait un peu plus vers l'azur la
silhouette hiératique tournée vers Sainte-Tulle. Et,
pour qui montait du Chaffère, le pastre paraissait
figé sur la colline, dernier sursaut de Pierrevert
avant la descente sur la vallée de la Durance.
L'homme,c'était Patrice, le berger de la
communauté. Il avait l'habitude de mener là les
brebis de Monseigneur Pierre de Bernier, entre Crau
et Saint Michel.Patrice avait trois passions: ses bêtes qu'il avait mises à l'adret, les simples qu'il cueillait à longueur d'année au gré de ses parcours et celui qui était son saint patron: Patrice l'irlandais, dont on lui avait toujours dit qu'il avait été savant dans l'art des herbes, justement.
Patrice, n'était pas très intelligent, mais ce qu'il savait, il le savait bien et les plantes du Bon Dieu l'avaient rapproché de Saint-Patrice à qui il vouait une admiration sans bornes. Et il avait asquis au grès des ans une solide culture botanique. La baasse n'avait pas de secret pour lui, il connaissait toutes les vertus du pèbre d'ai, mento et serpoul entraient dans toutes les tisanes de sa composition. Car si dans le village, Patrice passait pour niais dans les choses de la vie, il était un domaine dans lequel il n'avait pas son pareil, c'était celui des remèdes
qu'il fabriquait avec les simples.
On venait de fort loin pour lui demander de
fabriquer pour un emplâtre ou de composer une
décoction, toutes préparations qui faisaient
merveille et qui avait forgé sa renommée.
Or, en cet an de grâce 1631, un mal
terrible sévissait dans la vallée, là-bas
où l'air malsain prenait un malin plaisir
à drainer les miasmes depuis la lointaine Marseille.
Aussi, Patrice avec ses remèdes attirait-il tous ceux
qui voulaient se soigner et fuir la plaine. Pierrevert
avait échappé à ce terrible fléau qu'était la peste,
mais tous ces gens qui venaient d'en-bas menaçaient
la santé des gens d'ici. C'est pourquoi Messire de
Bernier et la communauté avaient-ils enjoint à
Patrice d'aller administrer ses potions et ses remèdes
directement dans la vallée.
Patrice était arrêté là sur le chemin de
Sainte Tulle tournant le dos à son village
natal, mais une force indicible le retenait,
l'empêchant d'aller plus loin. Sa pauvre tête n'en
pouvait plus: la tristesse de se voir rejeté le disputait
à son impuissance à guérir le mal.
- Buon San Patriço, venès m'ajuda...
A peine ces mots avaient-ils été prononcés qu'un
veil homme apparut. L'ample manteau qui
l'enveloppait ne parvenait pas à masquer la forme
d'un objet assez volumineux qu'il portait sur son
ventre. Notre berger fut pétrifier par cette apparition
aussi étonnante qu'imprévue.
-C'est moi Patrick, j'arrive de ma lointaire Irlande.
Je te connais, je t'aime bien. Je sais que tu as besoin de moi. Tiens, ajouta-il en ouvrant son manteau, prends cette gourde, j'y est mis un liquide de ma fabrication. Retourne à Pierrevert et donnes-en à tes parents, à tes amis, à ton seigneur: en quelques jours la peste aura disparu des environs.
Dès que Patrice eut pris la gourde, le vieillard s'envola comme il était arrivé. Le jeune homme exécuta les ordres de son saint-patron et, effectivement, en peu de jours, la peste disparut complétement.
Depuis cette époque, Pierrevert vénère Saint Patrice comme patron de la paroisse. Et à l'endroit de la miraculeuse
rencontre fut construite la chapelle portant le nom du saint irlandais.
Saint Patrice
Patrice (Patrick) est né vers 380 en Ecosse
d
écurion. A seize ans, il fut enlevé par des pirates irlandais qui l'emmenèrent dans leur île. Patrick fut berger pendant six années. Il réussit
s'enfuir et gagna la Gaulle, lérins et Auxerre où il étudia sous la direction de Saint-Germain. Ordonné diacre puis évèque, il regagna l'Irlande vers 432. Il y avait déjà des chrétiens et Patrick installa son siège épiscopal à Armagh, organisa
l'évangélisation de l'île.
Il mourut probablement en 461. Il a laissé une sorte d'autobiographie "Confession Patrick" et une "Lettre" à Coroticus, Prince du "Pays de Galles".
Il est le patron de l'Irlande qui lui doit le trèfle comme emblème. Sa fête de célèbre avec une grande solennité à New York et en Irlade le 17 mars et, à Pierrevert, le Lundi de Pentecôte.